POURQUOI LA STRUCTURE EN 3 ACTES TUE VOTRE SCENARIO – 4 mars 2008

D’abord, le concept d’actes vient du théâtre où l’on doit ouvrir et fermer le rideau. Pourquoi voudrait-on emprunter au théâtre un principe qui lui est propre, pour l’appliquer à ce media beaucoup plus fluide qu’est le cinéma ?
Deuxième point, diviser un film en 3 actes est beaucoup trop général et simpliste. Les termes très standards que cette théorie utilise (actes, pivot dramatique, retournement, résolution…) sont si peu précis qu’ils en perdent quasiment tout sens.
Ce qui signifie que ces termes sont difficiles à appliquer à votre histoire et à vos personnages. Si par exemple votre personnage est poursuivi dans une allée sombre, est-ce un pivot dramatique, un retournement, une résolution, ou simplement une autre scène ? Comment le savoir ? Les concepts dramaturgiques sont nos outils. Si nos outils sont imprécis, nous sommes condamnés à échouer. Je dirais que la structure en 3 actes ne fonctionne pas parce qu’elle est imprécise et arbitraire.
Quatrième point, la structure en 3 actes ne met pas l’accent sur les personnages. Remarquez comme les termes cités plus hauts n’ont rien à voir avec la question du personnage. Et que rien, non plus, n’est évoqué concernant le lien qui unit les personnages à l’intrigue. Sans surprise, les scripts écrits de cette façon ont tendance à donner des personnages superficiels.
Cinquièmement, la structure en 3 actes vous garantit un scénario avec une intrigue faible. La structure en 3 actes décrète que vous avez besoin de deux ou trois pivots dramatiques. Fatale erreur. Remarquez comme, ces dernières années, Hollywood n’a cessé de donner une importance toujours plus grande aux intrigues serrées, denses. Regardez un film comme le dernier opus des frères Coen « No country for old men ». Il n’y a pas deux ou trois pivots dramatiques. Il n’y en a pas moins de douze ! Comment pouvez-vous rivaliser avec des scripts comme celui-ci avec votre intrigue à deux ou trois pivots dramatiques ?
Et pourquoi la plupart des scénarios construits en 3 actes ont-ils un « ventre mou » au milieu ? Parce que la structure en 3 actes ne vous donne absolument aucune indication pour construire et nourrir le coeur de votre intrigue.

Je crois vraiment que les auteurs, face à la page blanche, ont besoin d’un ensemble d’outils appropriés pour créer des personnages convaincants et des intrigues denses. Ils sont les maîtres d’un art qui, bien que complexe, peut être enseigné.

Concernant les questions de structure, je l’ai dit, je conseille d’oublier au plus vite la simpliste structure en trois actes.
Un scénario réussi contient, presque toujours, une quête initiatique effectuée par le protagoniste. Pour raconter ce voyage complexe, le scénariste doit éviter de construire son intrigue avec une série de pivots dramatiques imposés arbitrairement depuis l’extérieur. Au contraire, l’auteur doit faire en sorte que ce soit toujours le protagoniste qui mène l’intrigue, de l’intérieur, de manière organique. Ainsi l’intrigue devient une partition jouée et dirigée par les actions du protagoniste et par ses tentatives de développement personnel.
Selon moi, une bonne histoire se construit autour de sept points clés, sept étapes majeures par lesquelles il est souhaitable que le personnage passe pour que la dramaturgie tienne debout.
Ces sept points sont l’ancrage du récit, autant dans l’évolution du personnage que dans l’intrigue même. Ils ne sont pas une formule magique, ils sont bien plus élaborés que cela. Ils ne vous disent pas ce que vous devez écrire, ils vous disent comment vous devez séquencer et organiser votre récit, pour un impact maximum sur le public.
Ces sept étapes ne sont pas une invention de ma part, je ne les ai pas créés. Ce sont les étapes naturelles que l’on retrouve dans toute action humaine, dans toute tentative pour résoudre un problème. Contrairement à la structure en 3 actes, qui est plaquée depuis l’extérieur sur l’histoire, les 7 points clés sont organiques à votre histoire, ils SONT l’histoire. Ce qu’il faut arriver à faire, c’est de les trouver, les identifier, et de les organiser de telle façon qu’ils expriment clairement ce que vous avez en tête.
J’ai mis plusieurs années à identifier chacun d’entre eux et à les analyser. Et je peux vous assurer que la quasi totalité des grands films que nous aimons est passée par là, par ces sept étapes incontournables, et ce, quel que soient leurs genres et leurs tons. Elles constituent les fondations d’une histoire. Contrairement à la théorie passe-partout et unidimensionnelle de la structure en 3 actes, l’approche que je vous propose s’adaptera toujours à votre histoire et va vous permettre de développer vos personnages principaux de manière originale, unique.

Je crois sincèrement que l’industrie du divertissement est prête à respecter et payer ceux qui sauront se démarquer. Ceux qui sauront raconter une histoire de manière originale, novatrice. C’est la raison pour laquelle je dis souvent qu’il est absolument essentiel que l’auteur prenne le contrôle, le plus vite possible, de son originalité et de sa créativité.
S’il arrive à faire cela, tout en apprenant à maîtriser les questions de structure pour exprimer cette originalité, alors le succès pourrait bien lui sourire.

© John Truby – mars 2008
Traduction de Muriel Levet